Extraits du projet.
Deux personnes qui dansent la valse - surtout lorsquelles dansent
maladroitement, trop vite, en déséquilibre - tomberont,
forcément, un instant, éperdument amoureuses lune
de lautre.
La force centrifuge qui les arrache lune de lautre, la résistance
volontaire quelles y opposent ensemble, la vitesse de rotation
qui les emporte, le jeu des visages et des regards, la réunion
des corps, le tournoiement du décor. Tout les pousse irrésistiblement
lune vers lautre. Elles sont soumises à la cinématique
du désir.
Il y a dans ce dispositif pendulaire, en creux, le dispositif même
du cinéma. Panoramique, champs-contrechamps, avant, arrière,
gros plans, romance, sallient pour déployer le théâtre
de la fiction amoureuse.
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Lamour a à faire avec la géométrie. Il installe
des dispositifs qui placent, des dynamiques qui déplacent les
corps les uns vers les autres. Lamour est un champ de force que
les amants déforment. Les topiques, tu es proche, je suis loin,
où est-elle, où va-t-il, nous voit-on, orientent et positionnent
les objets et leur spectateur. Dresser la topologie du désir
revient à faire larpenteur, le géomètre,
le voyageur, à parcourir lespace qui contient et sépare
les êtres entre eux.
Le wagon-restaurant dun intercity reliant Lausanne à Zurich,
les paysages de lacs et de montagnes entrevus par la fenêtre,
les ailleurs quils appellent, laéroport de Frankfort,
la gare de lEst à Paris, sont les décors de ces
déplacements, le travelling et le panoramique loutil cinématographique
dobservation de ces entre-deux villes, entre-deux êtres,
le temps du voyage et de lattente celui de lécriture
de leur liaison.
Pierre Giner.